[OURS.1] Un loup parmis les chiens.

C'est déjà la fin d’après-midi sur Jackstown, et malgré le soleil qui tape depuis ce matin sur mon crane je ne suis toujours pas saoul. Chaque jour l'étourdissement de l’alcool se fait un peu plus désiré, et chaque jours la frustration de rester au camp augmente. Mais pour le moment c'est la voix irritante de Portland qui emplie ma tête au point de me mettre hors de moi.

-PUTAIN MAIS FERME TA GUEEEULE PORTLAND !

Je lui hurle dans les oreilles alors qu'avec ma main gauche je le saisis à la nuque et lui rabat violemment le visage sur la table.
Pendant le silence de deux ou trois seconde qui suivit le bruit sourd de Portland s'effondrant au bas de la table je sent que je vais mieux, et quand les rires tonitruants de nos compagnons de beuverie se mettent à envahir la place je me sent même vraiment bien. Portland se redresse tant bien que mal, il s'aide de sa main droite pour remonter sur sa chaise. Je vois dans ses yeux le voile caractéristique de la crainte, j'ai la certitude qu'il ne fera plus de bruit avant quelques heures maintenant. Je sais qu'il accepte ainsi mon ascendant sur lui.

Depuis que Cobra m'a laissé mener le dernier raid tous ces types ont suffisamment peur de moi pour me respecter, alors qu'il n'y a pas si longtemps Portland aurait sortis son couteau et m'aurait transpercé le ventre si j'avais levé la main sur lui. Mais ça c'était avant, maintenant j'ai besoin de lui, c'est un bon conducteur de truk, et je veux être sur qu'il me craindra plus que tout les putains de démons de l'enfer quand il sera sous mes ordres.

Remarquant que je le dévisage Portland émet un petit rire gêné, un gloussement doublé d'un léger bruit de succion. Un peu de sang perle de ses lèvres, il s'est sûrement mordu la langue. Un bandeau de cuir dessine une croix son visage, protégeant les cavités nasales laissées apparente quand son nez lui fut arraché dans une rixe il y a bien longtemps. Ses arcades sourcilières sont intactes, ses yeux ne divergent pas, il ne gardera pas de séquelle de ma remontrance.

-Décidément je commence à avoir le tour de main pour frapper les gars. Je n'aurais pas voulut lui casser une dent » et cette pensée me procure un profond sentiment de fierté.

Je me mets à rire à mon tour, et plus je ris plus Portland et le reste de la troupe rient en échos.

Ce soir c'est décidé je vais voir Cobra pour qu'il me confie un nouveau raid, j'ai déjà quelques idées à lui soumettre, notamment faire une visite amicale aux quelques fouisseurs qui traîneraient à l'ouest des ruines de Tacoma.

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Au fur et à mesure que la nuit tombe, la ville s'apaise peu à peu. Contrairement aux apparences, les nuits sont calmes à Jackstown. Il y a plusieurs raisons à cela.
La plus importante est que le Cobra aime les nuits calmes. A part les soirs de beuveries, de concert, où encore de mises à mort en public (les trois occasions étant compatibles), vous pouvez vous faire jeter dans la mare à alligators très facilement si vous troubler les nuits du boss.
La deuxième raison est tactique. En plein jour, les va-et-vient et le regard des sentinelles suffisent à surveiller la zone, pas la nuit. Les sentinelles sont donc à l'écoute du moindre bruit de moteur, et des pisteurs sont envoyés lorsqu'un véhicule inconnu passe dans la zone. Le Cobra étant légèrement paranoïaque, il est certain qu'un jour viendra où la Division essaiera de prendre ses armes par la force, sous couvert de "pacification".

C'est donc dans un Jackstown apaisé que tu te rend à la caserne de pompier désaffectée, ton QG.
Ta tête est lourde, signe que l'alcool est bien là, mais tu n'en ressens toujours pas les effets. Tes pensées en tête, tu montes les marches extèrieures menant au bureau de ton boss. L'escalier métallique couine à chacun de tes pas, et tu finis par atteindre le troisième et dernier palier.

-Yo Ours. Tu viens voir le boss ? toujours la même question de la part du Crevard. Derrière lui, tu reconnais T-Rex, plongé dans son manga coloré. Il se balance sur sa chaise, les pieds sur la rembarde renforcée qui lui sert de poste de tir. Il t'a à peine remarqué.

Après que le Crevard l'ai averti, tu finis par rentrer dans le bureau du Cobra. Une odeur de merde t'agresse les narines.

-Ours ! Tu tombes bien !! Il se rapproche de toi en traînant de force un chien par le collier. Le jeune labrador n'en mène pas large, ses pattes griffent le plancher. Ce conard a chié partout, dégage moi ça ! Il lui fait prendre de l'élan et le fait rudement glisser vers toi. Je voulais le récupérer, qu'il aille au diable !

Après t'être arrangé avec le canidé, tu rejoins enfin le Cobra, mais sur le toit du batiment.
-Va falloir toute la nuit pour que l'odeur parte, quel con ce clébard. J'ai bien fait de pas le ramener dans ma piaule. Bon les gars ca arrive ou quoi ?!

-Ouais boss j'suis là ! le Crevard vous rejoint en forceant le pas et vous tend une bière à chacun. Puis il s'installe à une vingtaine de mètres, comme on lui a appris.
Le Cobra attend qu'il soit à distance raisonnable, et après s'être essuyé d'un revers de manche la bière sur ses lèvres, il prend l'air sérieux que tu lui connais.

-J'ai un truc pour toi, Ours. Il te montre un bout de papier plié qu'il tient entre ses deux doigts, mais finit par le ranger dans la poche arrière de son jean. Mais avant, qu'est-ce qui t'amènes ? A part me gratter un coup à boire j'veux dire.

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Je doit bien faire deux fois le poids de Cobra, mais pourtant quand je suis face à lui je me sent toujours comme un gamin. Je sais bien que malgré les apparences Cobra aurait le dessus sur moi si nous en venions au mains, sa rapidité, son intelligence sont des armes contre lesquelles les muscles de mes bras sont impuissants. Je regarde le chien que je tiens dans les mains, et aux paroles du Boss :  je voulais le récupérer, il a chié partout, débarrasse-t'en.
Est-ce que ce serait un message caché, une menace voilé ? Non c'est trop gros, je me fais des idées, il n'a sûrement pas pris cette bête pour me faire la leçon, mais je ne peut m’empêcher de voir un parallèle avec mon sort. La rue devant la caserne semble déserte, je fais quelque pas pour me mettre à l'écart.

-Ours si tu fous la merde, tu finiras les tripes à l'air. Voilà ce que je me dit en tordant le cou de cette pauvre bête. Ce n'est pas le moment d'apparaitre comme un faible, et je retourne d'un pas décidé dans le QG.

Cette enflure de Crevard reste là, et même s'il est trop loin pour m'entendre, je le soupçonne de savoir lire sur les lèvres. Je fais bien attention à m'asseoir dos lui, là au moins il ne saura rien de ce que nous nous dirons.

-Je viens te voir Cobra parce que j'ai entendue dire que des fouineurs traînaient depuis quelques temps à l'est de Tacoma. La bière a beau être fraîche ma gorge reste sèche, je ralentit mon débit de parole, je ne veux pas bégayer devant le Boss.
-Je pense que ce serait une bonne idée d'aller les décharger de leurs richesses.

-Je suis déjà au courant de ça, soit pas presser, on ira les choper quand ils seront bien mûrs. Cobra se lève de son transat, fais trois pas le long du toit, écrase son mégot et se retourne vers moi.
-Je crois surtout que tu t'emmerdes, Ours. Mais on peut pas cramer du jus chaque fois qu'un trasheur veut aller se défouler. T'as bien géré ton dernier raid, mais tu dois aussi apprendre à rester sagement au camp si tu veux garder ta place.
-Putain il me surveille j'en suis sûr. Je ne peux m’empêcher de crisper mes doigts de pied. Je dois me calmer, c'est rien qu'un homme, dangereux et diablement rusé, mais ça reste un homme. A flipper comme ça je vais finir par croire que c'est un sorcier de conte de fée.

-Pourquoi t’irait pas te chercher une petite pour t'occuper plutôt que de picoler toute la journée ?
Avoir une fille prés de moi c'est nourrir le serpent qui me tuera, j'ai souvent eu l'occasion de vérifier la chose durant mon existence, seul Lacarpe a ma confiance. Mais Cobra a raison, je dois prendre sur moi et savoir attendre.
-Ouais t'as raison, j'vais faire ça.
-Laisse tomber, c'est pas un ordre, fait ce que tu veux, mais réfléchit à ce que je viens de te dire.

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Le Cobra siffe le reste de sa bière d'une traite, lâche un énorme rot et se racle la gorge.

-Ours, si je te dis tout ça, c'est parce que je tiens à ce que mes hommes soient en forme. Bois, baise, fais toi plaisir, mais ne te laisses pas aller ok ? Il allume une cigarette et reprends le papier dans sa poche. Il te le tend. Lis ça.

Spoiler:

Tu lances à ton boss un regard interrogatif. Il t'explique.

-Garris avait un marché avec moi. Il devait me fournir des automatiques avec lunettes, et des explosifs. En échange, il a créché ici pendant deux semaines. Deux semaines à bouffer notre viande et à se taper nos filles à l'oeil. Il disait attendre le bon moment.

Tu comprends vite le souci. Le Cobra ne supporte pas qu'on abuse de son hospitalité.
-Il y a deux jours, il m'a dit que c'était bon. Il est parti avec ses gars en me jurant de vite revenir avec les armes. Je lui ai fais confiance, et là il envoit un pote à lui pour s'excuser de m'avoir enculer.

Il continue en t'expliquant que c'est un certain "Dallas" qui a fait le messager. Il lui a apporté le mot dans la soirée, et les gars du gang l'ont vu repartir aussitôt.

-Il n'est pas aller loin, il semblerait qu'il passe la nuit au pont. Je veux que tu ailles lui rendre une petite visite.

Il s'approche de toi, et plante ses yeux dans les tiens. Ses mâchoires sont crispées.
-Tu vas me faire cracher ce batard. Je veux savoir où est Garris, où il se planque, et si il a pas eu la bonne idée de se terrer dans un trou, je veux savoir où il va, ce qu'il fait. Jim et Borris attendent mes ordres pour partir sur sa piste. Alors fais ça de suite, il est hors de question que ce Garris de mes couilles prennent trop d'avance et nous échappe.

Il te fait signe de te mettre en route, et ordonne au Crevard de lui ramener une autre bière. Il te lance avant que tu n'ai quitté le toit de l'immeuble :
-Fais ça et tu pourras aller piller qui bon te semble. Et pour Dallas, tu as carte blanche. Oublies pas que cet enfoiré est dans le coup aussi..

Tu sais que cette affaire est surtout une histoire d'image et de réputation. Le Cobra ne tient pas à ce que toutes les vermines du coin pensent qu'ils peuvent abuser de lui et disparaître dans la nature.

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Je descend rapidement les deux étages de la caserne pour arriver au milieu de la rue. Quelque chose en moi a déjà réagit à l'appel de la violence, je sens mon cœur battre plus fort, j'ai des picotements au bout des doigts. Même la nuit me semble plus lumineuse maintenant. Je lève les yeux vers la lune, petite sphère accrochée au sommet du ciel.

-Que la chasse commence.

Je me dirige vers le hangar de la caserne, je sais que ce brave mécanicien de Marlon laisse souvent le petit Tortillard dormir dans la cabine du tracteur du Clan. Je m'en approche pour donner un grand coup dans la carrosserie de l'engin. Le bruit fait sursauter le gosse.
-Ours ! Qu'est ce que tu veux ?
-Sort ton cul de là, et cours trouver Marjorie et Crevette, dis leur de me rejoindre rapidement près du Pont. Et fais vite. Tortillard acquiesce et saute du camion pour disparaître dans le noir.

Je sort du hangar et je rejoint ma piaule, où je retrouve Lacarpe endormis. Je secoue son hamac jusqu'à ce qu'il ouvre les yeux.
-Va chercher Portland, dis lui de préparer son truck. Lacarpe me regarde avec ses deux yeux ronds. J'ai dus le surprendre en plein rêve. D'un coup de pied je le fait tomber par terre.  Bouge-toi, c'est urgent. L'esclave sort en quatrième vitesse.

Maintenant que je suis seul, j'évalue un peu mieux la situation. Je ne pense pas que Dallas parte du pont cette nuit. S'il savait ce que contenait le mot de Garris, il n'aurait jamais accepté de le porter jusqu'ici. Il est donc logique de penser que Dallas a été sacrifié par Garris, mais alors pourquoi ?
Il y a quelque chose de pas net dans cette histoire, il va falloir que je me méfie, ou alors Garris est vraiment un imbécile.

Je saisit mon vieux fusil d'assaut, met mon sac sur l'épaule et marche en direction du squat de Portland. Je le trouve en train d'ouvrir le portail du hangar où il range son truck.
-Ours, qu'est ce qui se passe ? Tu t'organises une ballade nocturne ?
-Prends ton truck et met toi en poste derrière le Pont. Tu m'interceptes tous eux qui voudront se barrer par la route. Si j'ai besoin de toi je lâcherai une fusée de détresse, et là tu te ramènes direct au Pont. Et fait pas trop de bruit en partant.

Portland part en maintenant son moteur en bas régime vers la sortie du camp, moi je me met à courir vers le Pont, Marjorie et Crevette ne doivent plus en être très loin à l'heure qu'il est.

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J'évalue rapidement la situation. Il va probablement falloir fouiller les taudis pour chercher Dallas.

Je décide de poster Marjorie à l'entré du Pont. Avec lui et Portland plus loin Dallas ne pourras pas partir par voie de terre. Sa seule possibilité sera de fuir à travers le cour d'eau, et là je suis sûr de pouvoir le rattraper à la nage.

Le piège semble en place.

Je prend Crevette avec moi, et on se dirige vers les formes indistinctes près du feu. D'un signe de main je lui fait signe d'être attentive à ce qui passe en bas.

La rapidité est primordiale dans ce genre d'affaire, et je vais chopper ce type le plus vite possible.